Challenge littéraire : L’Automne Coréen

L’équinoxe est passé, nous célébrons la venue de l’Automne aux mille couleurs. Sous l’impulsion d’Emy de la chaîne littéraire Antastesialit, les mois d’Octobre et de Novembre aurons un petit goût de piment, de miel et de sauce soja. Pendant cette période, la Corée est à l’honneur!

Le moment idéal pour plonger au cœur de la culture coréenne et d’échanger sur toutes sortes de sujets : littérature de la poésie classique de Choi Chiwon aux weebtoons de Naver, cinéma des films d’auteur aux kdamas, musique du pansori à la kpop, cuisine du kimpap au jajangmyeong, histoire des Trois Royaumes à l’hypothétique réunification… Pour les intéressés, n’hésitez pas à parcourir les propositions de lectures d’Emy.

Littérature

Pour ma part, j’avais très envie d’écrire un article sur un roman historique se déroulant à l’ère Joseon mais, trop chronophage, je vais devoir remettre le projet à plus tard. Mon choix s’est donc porté sur cinq romans assez hétéroclites :

Nokcheon suivit de Un éclat dans le ciel de Lee Chang-dong 이창동 (녹천에는 똥이 많다 1992) publiés aux éditions du Seuil. Auteur et cinéaste engagé, Lee Chang-dong nous livres deux récits politiques qui font écho au régime militaire des années 80 dans une volonté de dénoncer l’oppression de la dictature.

Ma très chère grande sœur de Gong Ji-young 공지영 (봉순이 언니 1998), publié aux éditions Philippe Picquier. Ce récit, c’est un hommage rendu à Bongsoon unni, grande-sœur Bongsoon, la gentille jeune fille au large sourire qui prend soin de la narratrice pendant son enfance dans la Corée en mutation des années 60. Un témoignage tendre et poignant sur le Séoul des miséreux à travers les yeux de la fillette que fut la romancière.

Toutes les choses de notre vie de Hwang Sok-yong 황석영 (낯익은 세상 2011), publié aux éditions Philippe Picquier. Loin, très loin des beautés artificielles de la tentaculaire Séoul, vivent les perdants de la société du progrès, du prestige et du succès. Les sans-abris invisibles, naufragés d’une île décharge, qui contemplent avec une philosophie poétique la vacuité d’un monde qui les a oublié. L’immense auteur coréen se fait à nouveau le porte parole des sacrifiés du miracle économique coréen, lui qui critique depuis toujours l’injustice et l’intolérance dans des récits à l’écriture puissante.

Le Gambit du renard de Lee Yoon-ha (Ninefox Gambit 2016). Il s’agit du premier tome d’une trilogie space-opéra, Les Machineries de l’Empire, publié par les éditions Lunes d’Encre puis Folio SF. Une toile de fond militaire où une générale accueille en elle l’âme d’un dangereux stratège pour mater une rébellion qui met à mal l’ordre de l’empire stellaire. L’auteur, américain d’origine coréenne et mathématicien de formation, a écrit de nombreuses nouvelles de SF et de fantastique. Peu familière des sagas spatiales en littérature, je suis assez intriguée par ce roman et je me demande quels éléments issus de la culture coréenne l’écrivain a pu distiller dans son récit?

Carnets d’enquête d’un beau gosse nécromant de Jung Jaehan 정재한 (The Minamdang Case Note 미남당 사건수첩). Une ‘comédie policière’ de 2018 écrite par une web-autrice à succès, publiée aux éditions Matin Calme qui suit les péripéties d’un chamane bellâtre fort populaire mais parfaitement factice, amateur de luxe, d’insultes et d’arnaques au talisman. Ce qui s’éloigne sensiblement du rôle logiquement attendu. Il faut dire qu’avec une sœur cybernaute génie du hacking et un ami détective privé, les trois compères ont de quoi animer leur escroquerie. Sauf qu’un jour, une cliente le contacte pour une histoire de fantôme et les voilà avec un cadavre sur les bras…

Panel des couvertures en version originale

Kdramas

En ce qui concerne les kdramas, Emy nous propose le visionnage de 4 séries assez récentes : la série fantastique Goblin (2016), le thriller Save Me (2017), le drame historique Mr Sunshine (2018), et la comédie familiale Reply 1988 (2015-2016). Si vous me lisez, vous savez que j’apprécie déjà Goblin et Reply 1988, ce qui me laisse deux nouveaux dramas à découvrir :

Save Me 구해줘 est un thriller qui traite d’un sujet peu évoqué : les sectes et leur pouvoir destructeur. La série est diffusé sur la chaîne OCN, réputée pour ses dramas policiers à suspens (Tunnel 터널 2017, The Guest 손 2018, Strangers from Hell 타인은 지옥이다 2019 …). Il s’agit d’une adaptation du webcomic Out of the World 세상 밖으로 de Jo Geum-san 조금산.

Une famille venue de Séoul emménage dans le comté rural de Muji (inspiré de la ville de Cheongju, située dans la province centrale du Chungcheongbuk-do) et croise la route de quatre jeunes lycéens qui les aide après une panne de voiture. Les garçons sont vite charmés par leur fille, la belle Sang-mi qui va dans la même école. Mais les malheurs s’abattent sur la famille : le père est ruiné, le fils harcelé se suicide et la mère sombre dans une dépression. Leur voie de salut : la communauté religieuse locale de Guseonwon 구선원, si serviable et avenante, qui leur tend une main secourable inespérée.

Pourtant derrière les paroles doucereuses de charité et de pardon, se cache un piège terrible. Sang-mi voit impuissante ses parents se faire engloutir dans le culte du Tout Puissant 새하늘님, mené par la figure messianique du charismatique Père Spirituel (영부/靈父) Baek Jung Ki. La voilà prisonnière de l’église, à la merci de ses ambitions démoniaques. Le quatuor mené par les courageux Sang-hwan et Dong-cheol va alors tenter de la libérer après avoir entendu son appel désespéré : « Sauvez-moi ».

Le rôle titre est tenu par Seo Yea Ji 서예지 qui a notamment brillé dans le healing drama It’s Okay to Not Be Okay 사이코지만 괜찮아 (2020). Ses sauveurs sont incarnés par Ok Taec Yeon 옥택연, ancien membre du groupe 2PM, vu dans Dream High 드림하이 (2011) et Bring It On, Ghost 싸우자 귀신아 (2016) ; et Woo Do Hwan 우도환 (Mad Dog 매드 독 2017). Ils affrontent Jo Sung Ha 조성하, connu pour ses rôles secondaires dans de multiples dramas. Certains acteurs imitent le dialecte satoori 사투리 ce qui leur donne un accent inhabituel très amusant (qu’on retrouve d’ailleurs dans Reply 1988).

En Corée, toutes les organisations religieuses sont égales devant la loi mais l’état n’en ressence aucune. Elles bénéficient donc d’une immense liberté d’action car il n’existe pas de règlementation particulière. La religion protestante composée de baptistes, d’évangélistes ou de presbytériens est particulièrement dynamique. En témoigne les multiples croix rouges illuminées qui pullulent dans le paysage urbain nocturne. De nombreuses nouvelles religions sont des dérivations chrétiennes.

Le Guseonwon évoque ainsi les sectes du Salut 구원파 comme l’Église de l’Unification plus connue sous le nom de secte Moon (qui comprend plus d’un million de fidèles) dont le fondateur Sun Myung Moon se considère comme le nouveau Messie ou l’Église Shincheonji de Jésus 신천지예수교 증거장막성전 dont le chef spirituel se décrit comme un prophète immortel.

Les sectes coréennes font l’objet de multiples scandales. Elle sont régulièrement épinglées pour leurs liens douteux avec les partis politiques, l’embrigadement de leurs membres, leurs abus ou leurs refus de suivre les recommandations sanitaires. Certains témoignages évoquent des tentatives de recrutement auprès des jeunes ou des étrangers, et il n’est pas rare de voir déambuler dans les rues ou le métro, et ce dans l’indifférence générale, des prédicateurs persuadés de l’Apocalypse prochaine et de la venue du Sauveur.

OCN va poursuivre son exploration du fanatisme religieux en 2018 avec le drama Children of A Lesser God 작은 신의 아이들 où deux enquêteurs tentent de sauver des enfants élevés dans une secte.

Mr Sunshine 미스터 션샤인 est un sageuk (série historique) qui nous plonge dans la Corée du début du XXe siècle occupée par les japonais. On y suit le parcours d’un jeune esclave (nobi 노비/奴婢 selon l’ancien système de caste de l’ère Joseon), de sa jeunesse difficile à l’âge adulte, entre sa fuite vers les USA et son incorporation dans la marine militaire, jusqu’à son retour au pays où il rencontre une jeune aristocrate (yangban 양반/兩班). Il apprend en parallèle l’existence d’un complot visant à annexer la Corée par les forces étrangères.

Le héros est joué par Lee Byung-hun 이병헌, acteur phare du réalisateur Kim Jee Woon, connu pour ses rôles dans le western déjanté The Good, The Bad, The Weird 좋은 놈, 나쁜 놈, 이상한 놈 (2008), le thriller I Saw the Devil 악마를 보았다 (2010), le film de mafieux A Bittersweet Life 달콤한 인생 (2005) ou encore l’action drama IRIS 아이리스 (2009).

Il est secondé par la talentueuse Kim Tae-ri 김태리, mondialement acclamée pour sa prestation dans le drame psychologique Mademoiselle 아가씨 (2016) de Park Chan-wook 박찬욱, une adaptation du sensuel roman de Sarah Waters Du bout des doigts (Fingersmith). Elle s’est aussi distinguée dans le très poétique Little Forest 리틀 포레스트 (2018) de Yim Soon-rye 임순례, adapté du manga japonais éponyme (リトル・フォレスト) de Daisuke Igarashi, où une jeune citadine retrouve son village natal et s’adapte à la vie rurale en suivant le rythme des saisons.

Moi qui aime tout particulièrement les sageuk, j’ai vraiment hâte de m’y plonger. La période de l’occupation japonaise 일제강점기 (1905-1945) est une page sombre de l’histoire coréenne, dont l’évocation reste délicate pour les œuvres télévisuelles. Contrairement à l’ère Joseon qui donne une immense liberté de ton aux scénaristes (humour, fantastique, romance, horreur etc.), cette période douloureuse reste associée à l’oppression d’un peuple qui n’a ni oublié ni pardonné les horreurs du passé.

Le cas des ‘femmes de réconfort’ (慰安婦 ianfu/일본군 위안부), ces victimes forcées à devenir des esclaves sexuelles aux mains de l’armée japonaise durant la Seconde Guerre Mondiale, est particulièrement sensible et les relations diplomatiques entre les deux pays restent tendues sur le sujet. En 2016 est sorti un film poignant Spirits’ Homecoming 귀향 qui rend hommage à la souffrance de ces jeunes filles sacrifiées.

Je vous conseille aussi le drama The Bridal Mask 각시탈 (2012) adapté du manhwa de Heo Young Man 허영만, où l’acteur Joo Won 주원 interprète un justicier masqué, héro de la résistance, dissimulé sous les traits d’un collaborateur à la solde des japonais. Il offre un bon divertissement, mêlant intrigue romanesque, suspens, drame et action avec talent.

Et vous? Participez-vous à un challenge littéraire cet automne? Connaissez-vous la Corée? Si vous aviez un roman coréen à proposer, lequel choisiriez-vous?

Laisser un commentaire