Piet Lincken – Å itinéraire suédois

Poésie crépusculaire

Si il y a un genre littéraire qui ne se laisse pas facilement apprivoiser, c’est bien la poésie. C’est, à mes yeux, l’écriture la plus intime et la plus mystérieuse qui soit. Comme un tableau aux formes abstraites, le poème recèle une symbolique cachée, une sensibilité profonde qui émane de mots assemblés comme des motifs dont seul le peintre-poète a le secret. C’est le cas de ce livre, dont j’avoue ne pas avoir décelé toutes les facettes. Un recueil polymorphe dont je me suis amusé à illustrer la singularité avec mes propres photographies.

Piet Lincken, belge franco-suédois né à Caen en Normandie le 3 mai 1969, est un artiste pluridisciplinaire. Expérimentant dans toutes les directions, il est à la fois écrivain, poète, dramaturge, nouvelliste, musicien-compositeur pianiste et organiste, plasticien et photographe. Son œuvre protéiforme emploie divers registres, transcende les frontières, empreinte toutes les trajectoires. Par sa plume, il aime à rendre hommage aux auteurs et artistes comme dans son recueil Parmi les sphères de 2013, dédié au compositeur danois Rued Langgaard (1893-1952) et composé de références taoïstes tirées de Lao Tseu évoquant le vide et l’impermanence de toutes choses.

Cet artiste atypique, reconnu par l’écrivain Julien Gracq, est l’auteur d’une bibliographie riche et variée: Des éléments premiers chez Atelier de l’agneau 2004, Les Bosquets noirs aux éd. Le Coudrier 2013, J’ai cru voir un dieu aux éd. Le Coudrier 2010, et S’entraîner au passage des abîmes chez L’Âge d’Homme 2011… Å itinéraire suédois publié en 2020 par les éditions Atelier de l’agneau propose un assemblage en miroir des poèmes francophones de Piet Lincken et des traductions de la poétesse finlandaise Edith Södergran, entrecoupé de photographies et visuels en noir et blanc.

« Au bord de la mare les canards marmonnent ; des siècles durant ils ont marmonnés : peut-être ont-ils bientôt tout dit. »

Piet Lincken

Prose voyageuse

Le titre du recueil interpelle. Å de cette étrange lettre suédoise à la fois rivière, préposition de direction, interjection. Une lettre hybride comme la prose énigmatique de l’auteur qui chemine dans un paysage monochrome de mots et d’images. L’écrivain divague, sur les terres du nord, où le jour en hiver se confond avec la nuit. De son observation urbaine, jaillissent des mots qui tracent un itinéraire. Il évoque les paysages contemporains scandinaves d’autoroutes, de rues, de lieux à la fois familiers et lointains ; de ces éléments de métal et de béton qui cohabitent avec les arbres, la neige, la terre, dans une disharmonie silencieuse.

On suit un cheminement imaginaire à travers les routes glacées de villes-frontières comme Haparanda, à mi chemin entre Suède et Finlande ; ou des îles Öland où poussent l’ölandstok, la potentille ligneuse aux fleurs lumineuses. On devine la morsure du froid polaire qui gèle les doigts et fait claquer les dents « sans qu’il soit possible de les calmer. » Là, en bord de mer, au cap sud de l’île d’Öland, où le vent a soufflé à 40m/s lors de la tempête du 17 octobre 1967 ; un vent devenu fou, qui « s’engouffre dans la robe » et fait pleurer les yeux sur « la baie saisissante de Sundsvall. » On brûle ensuite dans le brasier du magma d’Hekla, ce volcan islandais aussi grand qu’une montagne.

Bercé par les données géographiques de latitudes et longitudes, le voyageur d’encre et de papier, interroge la notion de rive et de limite. Limite entre ombre noire et lumière blanche dans cet espace à la périphérie du cercle polaire et de sa nuit infinie ; frontières des routes et des tracés parcourant sur des kilomètres les rivages de la Scandinavie ; seuil des arts, entre écriture et picturalité ; bordure du temps, celle d’une époque de changements et de mutations, inévitables et terrifiants. C’est aussi la lisière de la langue à mi-chemin entre français et suédois, de deux écrivains aux racines multiples, venant de deux époques différentes mais partageant un sensibilité commune.

« Les bouleaux blancs et le bourgeon des tilleuls font grand bruit dans la plaine : qui est cette éolienne là-bas ? »

Piet Lincken

Une poésie engagée ?

La poésie de Lincken possède les effluves de la mélancolie, la langue fourchue de la critique, l’ombre du ressentiment. L’écrivain témoigne d’une époque contemporaine à la fois pleine de beauté et de laideur. C’est un regard froid qu’il porte sur ses semblables, ces hommes qui dédaignent la flore pour piller la faune, prenant des allures de charognards aveugles : « Vous n’aimez pas la douceur, depuis des millénaires l’homme tue, cercueil que son ventre repu, la femme nettoie les squelettes comme le fin vautour au bec crochu. De face et de cous nus, ils n’ont de sensibilité que pour eux-mêmes, clan qui mangera l’autre est seulement ce qu’on peut voir. » Il évoque presque un regret de l’humanité, entre mots de l’esprit et maux du monde.

« Presque martial l’horizon,

essouché le champ bleu,

grès flammé qui hoquète encore du feu :

je lève les mains au passage des salauds,

je répète le geste autant qu’il faut.

Vous avez essorillé le chien, castré le bœuf, écorché le lapin.

Quel droit avez-vous encore pour vous défendre ? »

Piet Lincken

Le constat est pessimiste, presque nihiliste : « Vouer tout homme à la servitude, à la calamité d’un héritage, coupé comme un arbre et jeté au feu : voilà ce siècle. » L’auteur témoigne d’un monde désenchanté qui ne voit plus ni les elfes cachés, ni les soirs de sorcellerie, un monde peuplé d’animaux divins traqués par le chasseur. Comme un plaidoyer pour cesser la litanie du sang, il prend la voix des créatures sauvages : « Point de viande mais des bouquets de fruits, point de sang mais un ruisseau de lait ! »

L’être humain, si aveugle qu’il ne voit pas ce dont « la terre témoigne : c’est sous tes pieds que tu as de la richesse » ; ogre aux yeux morts qui dévore la terre, la mère qui l’a vu naître. Qui de mieux que les Scandinaves pour rendre compte du délitement du monde ? Eux qui, dans les contrées lointaines du nord, observent chaque année les effets dévastateurs du réchauffement climatique. Pourtant, l’écrivain perçoit encore la beauté du monde dans la délicatesse de l’ordinaire, où « le jour expire, haletant d’espoir. »

« La piste est à moi.

Si les dieux font que je m’écarte des sentiers balisés, alors que je ne revienne plus.

L’eau s’étale au loin, laquée de noir.

Le démon a reflué à l’intérieur de mon squelette.

C’est pourquoi je n’ai plus peur de marcher avec les géants.

À l’abri, l’oie couve. Le renne rumine. »

Piet Lincken

Union du corps et de la terre

L’humain, être sensuel, paraît perdu dans l’âpre réalité de glace et de pierre. Pourtant son corps s’unit à la boue, l’eau, le sol et se mêlent dans le ballet hypnotisant des mots pour devenir un tout ; car la prose de Lincken entretient un rapport organique avec son environnement : « Ma peau rose, rouge et bleue, se confond aux autres couleurs, celles mauves, laque, point rouge où le soleil plonge. Mon squelette un jour sera carcasse, soit dans le sable, soit dans la vase. » Les émotions se nourrissent de la nature ou bien est-ce l’inverse ?

« On s’étend sur le sol vert mousse à la bouche, aussi nu et sage qu’un nouveau-né. Pour serrer entre ses cuisses des ronces. »

Piet Lincken

La poésie de Lincken est une poésie discrète, contemplative, presque mystique qui ne se laisse pas facilement deviner. Parfois froide et amère sur le monde présent, comme un lente descente dans la réalité crue de notre temps, mais qui recèle une vérité pure. Dans une prose parfois sans sens immédiat, l’écrivain superpose des images, des émotions, des fragments de pensée ; son texte évoque le fil discontinu des réflexions muettes et errantes du promeneur solitaire.

« Retourne-toi : le chemin est long dans la campagne.

Parcours, parcours sans cesse : bientôt tu n’auras de cesse que de rester. »

Piet Lincken

Edith Södergran, la singulière

En parallèle de ses écrits, Piet Lincken propose les traductions d’une poétesse dont l’œuvre particulière marqua l’histoire de la littérature scandinave : Edith Södergran. Fille unique d’une famille d’immigrants finlandais-suédois, Edith Södergran est née le 4 avril 1892, à Saint-Pétersbourg. Elle grandit dans le village de Raivola (nommé aussi Rochtchino Райвола), dans l’isthme de Carélie, une région cosmopolite finlandaise où cohabitent russes, baltes, allemands, finlandais et suédois. Elle est envoyée dans une école pour filles allemande ‘Die deutsche Hauptschule zu’ située à Saint-Pétersbourg, où elle apprend la langue germanique, le français, le russe et l’anglais pendant sept ans (M.Aronssan).

Mais en 1907, son père tuberculeux décède et, âgée de 16 ans, elle contracte à son tour la maladie. Elle suit alors un traitement prolongé dans un sanatorium finlandais puis à Davos en Suisse, où elle étudie l’italien. Dans la bibliothèque du sanatorium suisse, elle se nourrit de classiques littéraires occidentaux dont les écrits de Shakespeare, Walt Whitman, et de Algernon Charles Swinburne, du philosophe Arthur Schpenhauer ou du théosophe autrichien Rudolph Steiner. Elle découvre aussi les écrits de Nietzsche et son Ainsi parlait Zarathoustra / Also sprach Zarathoustra qui impactera profondément sa philosophie artistique (U. Lindqvist).

C’est en allemand qu’elle rédige ses premiers poèmes, vers 1907 et 1909, en respectant les règles classiques des vers réguliers et des rimes. Puis en 1916, elle rompt avec les anciens codes décadents et exprime sa vision avant-gardiste à travers la langue suédoise et du vers de forme libre. La mort fait partie intégrante de son existence : d’abord celle de sa fratrie (elle est la seule enfant du couple parental ayant survécu), ensuite celle de sa sœur adoptive Singa renversée par un train, puis la perte de son père, et enfin l’ombre menaçante de la maladie qui ne la quittera jamais.

Se pensant guérie de la tuberculose, après des années de souffrances, elle retourne vivre avec sa mère dans leur villa d’été de Raivola. La guerre civile fait rage en Finlande de 1917 à 1918 après la déclaration d’indépendance de la Finlande vis-à-vis de la Russie, et la révolution bolchevique de 1917 dépouille la famille Södergran de ses biens. Rattrapée par la maladie, la jeune femme mène une vie isolée et solitaire, dans la pauvreté et incomprise par la critique. Elle meurt en 1923, à l’âge de 31 ans.

« Dans la sombre forêt vit un dieu malade.

Dans l’obscure forêt les fleurs sont si pâles et les oiseaux si farouches.

Pourquoi le vent est-il plein de chuchotements prémonitoires et le chemin noir de sinistres pressentiments?

Dans l’ombre se tient un dieu malade,

Il rêve de mauvais rêves…

E.S. « Obscurité des bois » / « Skogsdunkel« , Dikter / Poèmes, 1916

La vague du modernisme

Au cours du XXe siècle, l’Europe en pleine mutation engendre une multitude de mouvements artistiques contestataires qui repoussent l’ordre et les normes, défient la logique et la morale, vomissent leur souffrance et leur révolte, expriment leur idéaux et leur rage créatrice. L’émulation intellectuelle et artistique répond à ce siècle trouble comme pour y chercher un sens. Le modernisme qui frappe alors agit comme une révolution dans tout les domaines des arts (T. Brostrøm). Entre 1909 et 1924, plusieurs manifestes voient le jour et essaiment les graines d’une protestation artistique majeure.

C’est d’abord le Manifeste du futurisme de l’italien F. T. Marinetti en 1909 qui influencera le groupe littéraire moscovite Gileia / Гилея qui publiera en 1911 son propre manifeste Une gifle au goût public / Пощёчина общественному вкусу, forgeant au passage les bases du cubo-futurisme russe. L’apologie de la vitesse, du mouvement et de la modernité industrielle, qui frôle l’abstraction, magnifiée ensuite par le cubisme et le constructivisme. C’est l’avènement de l’expressionnisme allemand et ses œuvres troubles et torturées, avec la fondation du groupe Die Brücke / Le Pont en 1905, puis celui du Der blaue Reiter / Le Cavalier bleu en 1912. Ou encore la courte vie du Vorticisme anglais entre 1913 et 1915, ou celle plus longue et tumultueuse du singulier mouvement dada (Caws : 2001).

Tous ces mouvements forment une Avant-garde qui expérimente et repousse toujours plus loin les frontières si codifiées de l’Art. Scandales dans les salons, les critiques fusent et s’offusquent de ces fous qui osent contester le paradigme de la création (Kostelanetz : 1982). On hurle à la laideur, à la folie, au sacrilège, mais la machine est lancée. L’art du XXe siècle est défiguré, plus vivant que jamais. L’agressivité de nouvelles formes d’expression sonne la mort de l’ancien monde décadent qui se refuse obstinément à lâcher prise.

Le modernisme littéraire scandinave réinterroge les fondements du passé, celui des anciens récits héroïques (sagas islandaises, scaldiques…), avant un âge classique, suivit d’une ère dédiée aux Lumières venus de France, puis d’un Romantisme soufflé par l’Allemagne. C’est au XIXe siècle qu’émerge la « percée moderne » en Scandinavie, prenant la forme du gennembrud / gennombrott, avec Georg Brandes qui, vers 1870, réinvente la littérature nordique aidé en cela par une poussée des intellectuels : naturalisme, positivisme, darwinisme, utilitarisme et marxisme naissant (R. Boyer). Dans le domaine des lettres, le modernisme se libère des contraintes classiques, innove en inventant de nouvelles techniques et structures, expérimente les genres narratifs hybrides, la poésie en vers libres sans mètre ni rime (M. Aronssan).

Lyrisme suédois

En décembre 1918, Edith Södergran, alors âgée de 26 ans, rédige une lettre ouverte aux lecteurs du journal suédois du Dagens Press, publié à Helsinki : Art Individuel / Individuell Konst qui présente le second volume de son recueil de poème La Lyre de Septembre / Septemberlyran. Il s’agit d’un des rares manifestes d’avant-garde de son temps à être écrit par une femme et le premier à être rédigé en suédois (U. Lindqvist). Les autres écrits féminins notables sont ceux des américaines Mina Loy et son Manifeste féministe en 1914 et Gertrude Stein et La composition comme explication en 1926. Elle y vante un nouvel esprit créatif appelant à l’expression d’un « individu d’un nouveau genre » / « från en individual av en ny art.« 

À travers sa poésie lyrique, elle s’inscrit dans la continuité des arts d’Avant-Garde qui défient la compréhension fondamentale des artistes et des critiques de ce qu’est l’Art (R. Kostelanetz). Comme elle le précise : « Ce livre n’est pas destiné à un public, à peine pour les cercles intellectuels supérieurs, seulement pour ces quelques individus qui sont les plus proches de la frontière du futur. » / « Denna bok är icke avsedd för publiken, knappast ens för de högre intellektuella kretsarna, endast för de få individer som stå närmast framtidens gräns » (U. Lindqvist).

Mais son manifeste est très mal reçu, et provoque les moqueries des journalistes et des critiques finlandais outrés de l’audace passionnée et rebelle de cette poétesse inconnue. Un chroniqueur du quotidien suédois le Hufvudstadsbladet déclare sa « sincère haine pour les ‘femmes folles de Nietzsche' », tandis que d’autres lettrés au ton paternaliste plaignent la « naïveté » de la jeune écrivaine. Car pour le public d’alors, le véritable lyrisme suédois est représenté par l’œuvre romantique de J. L. Runeberg, ainsi que le compositeur Jean Sibelius, qui servent d’exemples et de figures de proue au nationalisme finlandais. La Finlande est en recherche de son identité, partagée entre Russie et Suède ; parlant à la fois la langue finnoise endémique (d’origine finno-ougrienne) et le suédois minoritaire (issu du germanique) (M. Lehtonen). L’écriture d’Edith Södergran, avec sa simplicité apparente, sa philosophie ambitieuse, son éloge du pouvoir créatif individuel, ne pouvait qu’engendrer l’indignation et le rejet.

Edith Södergran ne fut pas indifférente à ce déferlement de mépris comme en témoigne son poème Jag / Je où elle insiste sur le sentiment d’emprisonnement et d’isolement dans un milieu culturel hostile à son processus créatif. Elle se décrit comme un être étranger même sur sa terre natale, prisonnier et incapable de communiquer mais pensant et créateur (U. Lindqvist). Elle avait une conscience accrue de la nature novatrice de son travail et avec toute la fougue de sa plume se voyait comme une figure de proue à l’aube d’une ère littéraire nouvelle et révolutionnaire : « J’espère que je ne serai pas seule avec la grandeur que je dois apporter » / « Jag hoppas att jag icke blir ensam med det stora jag har att hämta. »

Dans l’avant-propos de son deuxième recueil de poèmes La Lyre de Septembre, elle écrit : « Personne ne peut nier que mes créations sont de la poésie ; Je ne prétendrais pas que ce sont des vers. J’ai essayé de forcer certains poèmes récalcitrants à un rythme, et ce faisant, j’ai découvert que je ne possédais la pleine puissance de la parole et de l’image qu’en toute liberté, c’est-à-dire aux dépens du rythme. […] Ma solide confiance en moi dépend du fait que j’ai découvert mes propres dimensions. Il m’incombe de ne pas me rendre plus petit que je ne le suis.« 

« Je sacrifie moi-même chaque atome de ma puissance pour mon objectif élevé, je vis la vie d’un saint, je m’imprègne de l’esprit humain le plus élevé créé, j’évite toutes les influences d’une espèce inférieure. »

« Jag offrar själv varje atom av min kraft för mitt höga mål, casques jag lever liv, jag fördjupar mig i det högsta människoanden frambragt, jag undviker alla inflytelser av lägre art. »

Paradoxe de cette artiste si passionnée dans l’éloge de sa cause, elle dénigre la valeur esthétique de ses écrits qui ne sont à ses yeux « rien d’autre qu’un gribouillage intime » / « Icke något annat än en intim kladd. » Il fallu attendre la fin de la Seconde Guerre Mondiale pour que son travail novateur soit enfin reconnu. Sa poésie intemporelle fut imprimée et lue en Scandinavie, Allemagne, Royaume-Uni et Europe de l’Est (M. Aronssan). Dans les années 1960, des universitaires féministes entrées dans l’Académie scandinave se sont ainsi attelées à réévaluer son œuvre. Edith Södergran est aujourd’hui considérée comme une précurseur de la littérature moderne du nord.

« Sans agir

je ne peux pas vivre,

c’est enchaînée à la lyre que je mourrais.

Pour moi, la lyre est chose la plus précieuse au monde,

fidèle je lui resterai,

sinon je ne serais pas une âme flamboyante.

Quiconque, comme avec des ongles en sang,

ne se casse pas au mur des jours ordinaires

– hors cela, périr –

n’est pas digne de contempler le soleil. »

E.S. « La Condition » / « Villkoret », La Lyre de Septembre, 1918

La poétesse vagabonde

Écrivaine polyglotte mais en exil constant, Edith Södergran emploie l’image du vagabond comme personnage idéal dans une poétique de l’errance. Elle s’interroge en 1920 dans L’Ombre du Futur / Framtidens skugga : « Quel est mon pays d’origine? Est-ce une Finlande lointaine, parsemée d’étoiles? / Peu importe. » Elle n’est nulle part, la poétesse itinérante : « Nous sommes tous des sans-abri errants / et nous sommes tous frères et sœurs. / Nus, nous errons avec notre sacoche, / mais que possèdent les princes par rapport à nous? »

La prose de cette fugitive se nourrit d’une multitude d’influences. Écrivaine curieuse du monde et imprégnée de multiculturalisme, elle trouve un écho dans la poésie romantique allemande de Johann Wolfgang von Goethe et Heinrich Heine, les symbolistes russes Konstanin Balmont et Alelsandr Blok, le poète français Arthur Rimbaud, ou ses contemporains allemands Alfred Mombert ou Max Dauthendey (U. Lindqvist).

Mais c’est la philosophie de Friedrich Nietzsche qui influence le plus ses écrits. Son concept de « Volonté de puissance«  / « Wille zur Macht » selon lequel l’être tend vers un dépassement de soi envers et contre tous qui passe par une volonté de l’esprit et du corps vers la puissance. C’est par opposition à une résistance que la tension se forge et se renforce, afin de transcender la condition ordinaire et d’atteindre un état supérieur, celle d’une nature transfigurée du surhumain « der Übermensch. » Dans Le pays qui n’est pas / Landet som icke är en 1919-1920, la poétesse se proclame : « Je ne suis rien qu’une volonté illimitée » mais « lorsque ma volonté aura failli, je mourrai : auront été salués ma vie, ma mort et mon destin. »

Pour Södergran, l’instinct primitif d’un individu se situe dans le corps, profondément lié à la terre, comme en témoigne le poème Instinct / Instinkt, présent dans son dernier recueil L’Ombre du Futur, dans lequel un orateur clame sa capacité à sauver le monde alors même que son corps se décompose et meurt. Cette poétesse souffreteuse pratique l’art poétique comme un remède et transcende la douleur corporelle par la création. Défendant une vision très noble et pure de sa fonction en tant qu’artiste et poétesse, elle conçoit une dimension presque métaphysique de son rôle, de cette figure du poète mourant-créateur dont l’acte intellectuel de vie naîtrait de l’agonie du corps.

« Toutes mes chimères ont fondu comme neige,

tous mes rêves ont filés comme l’eau,

de tout ce que j’ai aimé il ne me reste plus

qu’un ciel bleu et quelques pâles étoiles.

Le vent s’insinue doucement entre les arbres.

Le vide se suspend. L’eau est silencieuse.

Le vieux sapin reste éveillé et songe

au nuage blanc, il embrasse et il rêve.

E.S. « Printemps nordique » / « Nordisk vår », Dikter / Poèmes, 1916

Orphée, créateur androgyne

Dans son processus avant-gardiste de réinvention du poème lyrique, Edith Södergran cherche à détruire l’image de la femme traditionnelle, celle d’une beauté virginale objectivée par le regard de l’homme (E. Witt-Brattström : 1997). À l’inverse de ses comparses, elle ne met pas en scène un poète-orateur masculin en rupture agressive avec le passé mais fait appel à une écriture individuelle féminine ou neutre qui questionne l’intérieur des êtres, par la douleur et le plaisir ressentit. La figure traditionnelle de la femme comme un objet fantasmé ou un idéal perdu à atteindre pour le poète mâle devient la protagoniste principal de son œuvre (T. Brennan : 1993 ; C. Hogue : 1995).

Sa poésie lyrique fait appel aux couleurs primaires et aux éléments naturels (feu, eau, vent, étoiles) jaillissant d’un corps féminin perçu comme une source première et puissante. Sous sa plume se déploie une nouvelle figure radicale non-binaire mais accomplie sexuellement. Un « Eros mystère » dont elle se réclame dans le poème éponyme : « J’existe rouge. Je suis mon sang. Je n’ai pas renié Eros. » Cette entité divine primordiale est le souffle, l’attraction qui pousse les êtres au rapprochement le plus intime, celui qui va au delà de l’âme. Une union non sexuée car : « Je te connais Eros – tu n’es ni homme ni femme, tu es la force » (Ombres du futur / Framtidens skugga, 1920).

Mais toujours la souffrance des corps qui gémissent et l’ombre de la Mort par dessus son épaule. Dans son recueil de 1925 Le pays qui n’est pas / Landet som icke är, elle compose une ode à Éros / Ἔρως, « toi le plus cruel de tous les dieux. » Elle interroge cette divinité implacable, qui guide « jusqu’au sombre pays » des fillettes devenues grandes, les rendant prisonnières, les excluant de la lumière, les condamnant à souffrir « comme un animal » : « Mon âme ne planait-elle pas comme une heureuse étoile avant qu’elle ne soit tirée dans ton anneau rouge? » (« À Eros » / « Till Eros »).

Influencée par Nietzsche, elle met en avant un protagoniste-prophète qui expose ses idées par des métaphores, vante un individualisme du pouvoir créateur dans le corps même de l’humain. Dans son poème Vierge moderne, tiré du recueil Dikter / Poèmes de 1916, elle clame : « Je ne suis pas une femme. Je suis neutre. / Je suis un enfant, un page et une hardie résolution. / Je suis une riante raie d’un soleil écarlate… […] / Je suis un saut dans la liberté et en soi même … […] / Je suis un frisson de l’âme, le désir et le refus de la chair, Je suis un panneau d’entrée vers un nouveau paradis. » ; un paradoxe « feu et eau en sincère alliance sur de libres conditions… » (Ebba Witt-Brattström : 1997).

L’emploi du mot « neutre » / « neutrum » fait référence, en suédois, à un genre grammatical assigné à une classe de nom qui compose 25% des noms suédois. En utilisant le qualificatif « neutrum« , la poétesse fait appel à un genre exclusif et non genré, et fait de son sujet une entité transcendant toutes les catégorisations ; un être rare, oppositionnel et paradoxal (U. Lindqvist). Elle rejette ainsi le nom « femme » / « kvinna » au genre « non neutre » / « utrum » qui comprend 75% des noms suédois.

Absence de femme donc, mais pas non plus d’alternative au masculin ; Edith Södergran échappe aux oppositions binaires, créant une nouvelle voie d’expression. Le « Je » orateur dépasse sa condition, devient un tout absolu, une existence primitive libre, sans limite, au frontières de la création divine. Car l’androgyne dans l’imaginaire suédois se nourrit des figures doubles de jumeaux divins tels Freyr et Freyja, ou les pairs contrastives comme Ullr / Ullin, Ódr / Ódinn (R. Boyer). Le poète-créateur n’a nul besoin d’un genre, et la femme écrivaine se confond alors au musicien grec, dont elle revêt les atours, lorsqu’elle proclame : « Je suis Orphée » / « Jag är Orfeus » (La Lyre de septembre, 1919).

Edith Södergran libère ainsi l’écriture poétique en choisissant la neutralité du sujet lyrique, posant les bases d’un nouvel univers créatif scandinave dont se réclameront d’autres poétesses comme Katarina Frostenson ou Ebba Lindqvist (J. Deckens).

Tu cherchais une fleur et tu trouvas un fruit.

Tu cherchais une source et tu trouvas une mer.

Tu cherchais une femme et tu trouvas une âme –

tu es déçu.

E.S. « Le jour se refroidit… » / « Dagen svalnar…« , Dikter / Poèmes, 1916
SOURCES :
  • Aronssan, Mattias. « We Are All Homeless Wanderers » : Transculturality and Modernism in the Works of Edith Södergran, Elias Canetti, Henry Parland and Marguerite Duras, Planeta Literatur, Journal of Global Literary Studies, n°3, 27-44, 2014
  • Boyer, Régis. “Le modernisme littéraire dans le Nord « L’art et la vie » : trois réflexions”, Germanica, n°12, pp.167-182, 1993
  • Boyer, Régis. “Visages du fantastique dans les lettres scandinaves modernes”, Germanica, n°3, pp.131 à 149, 1988
  • Brostrøm, Torben. “La percée du modernisme dans la littérature nordique”, Germanica, n°12, pp.13-33, 1993
  • Dekens, Julie. “Rester aux Enfers : le bonheur paradoxal d’Eurydice”, TRANS-, n°17, 2014
  • Holm, Birgitta. « Edith Södergran et le discours sexuel de la fin-de-siècle », NORA – Nordic Journal of Feminist and Gender Research, 1: 1, pp. 21-31, 1993
  • Lehtonen, Maija. « La littérature suédoise de Finlande : une littérature nationale ? », Bulletin de la Classe des lettres et des sciences morales et politiques, tome 72, pp. 42-61, 1986
  • Lindqvist, Ursula. The Paradoxal Poetics of Edith Södergran, Modernism/modernity, Johns Hopkins University Press, Volume 13, n°1, January 2006, Project Muse, pp. 813-833

*Merci à Babelio et aux éditions Atelier de l’Agneau pour cette découverte littéraire*

Takashi Hiraide – Le chat qui venait du ciel

Poétique de l’impermanence

Aux fleurs de pruniers

Je parsème de sardines

La tombe de mon chat.

Kobayashi Issa (1763-1828)

.

Tout d’abord, il fut un jardin. Et dans ce jardin vivait un chat.

Locataires dans un pavillon d’une maison traditionnelle japonaise, un couple tisse une relation amicale avec un jeune félin, et voit défiler les saisons paisiblement … jusqu’à l’inévitable séparation. C’est sur une rencontre inopinée que se dessine la trame de ce roman-poésie de l’auteur japonais Takashi Hiraide.

Né en 1950 à Moji dans la préfecture de Fukuoka, Takashi Hiraide 平出隆 est un homme de lettres, poète et enseignant à la Tama Art University. Etudiant à l’Université Hitotsubashi de Tokyo, il s’est intéressé à la poésie contemporaine japonaise avant de publier un recueil Hatagoya 旅籠屋 en 1976. Marié à la poétesse Michiyo Kawano, il se confond avec son narrateur dans cette semi-autobiographie douce-amère qui nous fait vivre la fin de l’ère Shôwa (1926-1989) et qui préfigure pour le Japon la crise économique des années 90. Ce roman est paru en 2001 sous le titre original Neko no kyaku 猫の客 (The Guest Cat dans sa version anglophone).

C’est aussi le chant du cygne du XXe siècle : la mort de l’empereur et celles d’amis poètes parsèment le récit ainsi que le départ des vieux propriétaires de cette demeure traditionnelle en sursis, symbole d’un Japon ancestral voué à s’effacer face à l’avancée dévorante du monde moderne. C’est l’inévitable fin de toutes choses dont le narrateur fait la douloureuse expérience.

De gauche à droite : éditions japonaises, anglaise, coréenne et française.

Amitiés félines

Surnommé Chibi ちび synonyme de ‘petit’, le chat s’immisce dans la vie de ce couple sans enfants avec toujours une distance infranchissable qui les sépare. Chibi appartient aux voisins mais, épris de liberté, il vagabonde au grès de ses envies, faisant tinter le son de son grelot dans les allées fleuries, se faufilant part la fenêtre pour dormir dans les armoires.

« Lorsque nous ouvrions doucement la porte d’entrée à notre retour, nous le découvrions les deux pattes bien alignées sur la partie haute du vestibule, venus nous accueillir comme l’eût fait un enfant. « C’est notre chat ! » disait alors ma femme, sachant pertinemment que ce n’était pas vrai. Elle le couvait des yeux, persuadée que c’était un don que le ciel lui avait fait. »

Dans ce monde végétal voué à la métamorphose du cycle des saisons, se crée un lien intangible entre humain et animal. « Pour moi, Chibi est un ami qui me comprend, un ami qui a l’apparence d’un chat », déclare la femme du narrateur.

Le jeune félin grimpe aux arbres avec la fulgurance de l’éclair « comme pour aider le tonnerre à venir » et, à l’image du dieu de la chasse Soratsuhiko dit aussi Hoori ホオリ du Nihonshoki 日本書紀 (Les Chroniques du Japon de 720), ce « beau visiteur », qui n’appartient pas « au commun des mortels », possède la beauté irréelle du monde céleste. Du propre aveu du narrateur « ce Chibi était une merveille […], si petit et si frêle qu’on remarquait tout de suite ses oreilles pointues et mobiles à l’extrême. » Il dégage une « impression de mystère […] parfaitement au-delà du monde des humains, un être n’appartenant ni au ciel ni à la terre. » Comme l’orme ancestral ou enoki えのき, cet arbre à sortilège bakemono 化け物 / ばけもの, qui couvre le jardin de son ombre ; Chibi serait-il un être surnaturel ?

De ce jardin-forêt, le chat semble être le maître, l’esprit-gardien, incarnation de l’âme du lieu. Sa disparition le vide de son essence, abandonné par sa divinité, le jardin s’étiole. Avec la mort brutale du chat, c’est aussi la perte de la demeure qui est symbolisée. Bientôt les arbres seront coupés et la maison rasée, il n’en restera plus qu’un souvenir ténu : « Le jardin semblait appartenir à une autre maison, complètement inerte, il me parut sans vie. J’ai pris plusieurs photos, dans l’espoir de découvrir l’ombre du passage de Chibi. »

« Sous cet orme, il y avait une histoire. Au pied d’un jeune pin dont on disait qu’il avait grandi dans l’ombre de l’immense feuillage, un petit être semblable à une perle fine reposait. »

Le pin, matsu 松 qui signifie ‘attendre’ ou ‘éternité’, est le sanctuaire idéal des kami, ces présences immortelles qui appartiennent à l’autre-monde Tokoyo 常世 ‘la terre éternelle’, celui de la permanence (Gérard Martzel). Arbre au feuillage intangible, pouvant être plusieurs fois centenaire, le pin est au Japon le sujet d’un culte lié à la fertilité et à la régénération (Agnès Giard). C’est donc sous le couvert sylvestre sacré que le chat-esprit sommeille.

Hishida Shunsō 菱田春草 (1874-1911), artiste de l’ère Meiji, créateur du style Nihonga 日本画, connu pour ses œuvres délicates mettant en scène des chats

Poignance des choses

Au Japon, l’espace et le temps ne sont pas dissociés mais unis et désignés par le concept de ma . Ma est la pause, le silence, une « constante déchirure de la trame du monde » (Salat & Labbé, Delay). C’est l’intervalle qui sépare les actions des choses, ce sont des « traces destinées à révéler le vide », « il nous relie sans cesse à l’infini et au néant » (Salat & Labbé). Représentant un soleil glissé sous une porte, il signifie la ‘distance’, le ‘vide’, la ‘durée’ qui sépare deux choses.

Le temps n’est pas une réalité linéaire mais une succession d’instants, de fragments d’existence, qui se tissent les uns aux autres dans un cycle infini de recommencements. Dans ce mouvement circulaire sans commencent ni fin, principe fondateur du zen, où s’accumule une succession de petits riens, même la chose la plus insignifiante renferme le sacré (Taro Okamoto).

Dans ses Notes de chevet (枕草子, Makura no sōshi) rédigées vers 990-1002, la lettrée Sei Shōnagon (清少納言) emploi l’expression mélancolique mono no aware 物の哀れ, les choses propre à émouvoir, pour qualifier ces instants fugaces qui étreignent le cœur. Le vol délicat d’une libellule autour d’un jet d’eau, la danse des ombres contre une baie vitrée, la pluie de feuilles mortes à l’aube de l’automne, ou le jeu d’un chat avec une balle.

« Ce fut un moment fugitif, mais qui dura longtemps », nous conte le narrateur, dans un état de grâce intime avec une libellule, « au milieu du jardin qui se préparait à ne plus recevoir la visite de personne, ce jardin qui de façon presque troublante était éloigné des regards proches, il avait posé sur mon doigt ses quatre ailes transparentes et ses deux yeux proéminents. »

Au XVIe siècle, cette prise de conscience de l’éphémère fit naître une véritable esthétique de l’impermanence, le iki 粋 ou 意気. Rien n’est plus touchant qu’une fleur au crépuscule de sa vie. Dans ce pays où la nature mouvante provoque typhons et séismes, s’est développée la conscience accrue de la finitude des choses (Bonnin, Pezez-Massabuau).

Au Japon, la beauté est empreinte de mélancolie car selon le concept philosophique du mujo 無常 tout est voué à dépérir et à disparaître (M. Delay). La célébration des cerisiers en fleurs Hanami à l’aube du printemps, dédiée à l’observation d’une floraison éphémère, en est un bon exemple. Selon Lao Tseu (太上老君 Tàishàng lǎojūn, ‘Seigneur suprême Lao’, VIe-Ve av. J.-C.), « le devenir cyclique ne cesse jamais ; épanouissement et décrépitude s’engendre et leurrent perpétuellement, liés par d’invisibles transitions » (Delay).

L’art floral, la poésie, la calligraphie, la conception des jardins ou la voie du sabre ; toutes ces pratiques sont traversées par l’infini et le vide dans ce cheminement vers la nature véritable du monde (Giard, Salat & Labbé). L’esthétique est liée au concept de nature et du naturel sans artifice shizen 自然 que l’humain cherche à révéler au travers de ses créations (Bonnin ; Pezez-Massabuau). Ainsi, l’architecture japonaise traditionnelle ne s’impose pas à la nature mais s’y adapte. Les habitations faites de matériaux naturels sont fragiles et temporaires, influencées par le wabi-sabi 侘寂, l’esthétique du dépouillement (Bonnin ; Pezez-Massabuau).

Oka Fuhô dit aussi Baikei 梅溪 (1869-1940), Butterfly and Morning Glory (Asagao yucho 朝顔遊蝶), v. 1800 ère Meiji, Museum of Fine Arts Boston

Contemplation méditative

Au fil des pages et des saisons, Hiraide distille des rêveries discrètes mais profondes. Ce petit roman en apparence si simple, dévoile une vérité universelle, celle du cycle de la vie : naissance, décrépitude et mort … et puis, enfin, renouveau.

Tout commence par une rencontre inopinée. Une douce relation se crée. Mais, trop tôt déjà, elle s’achève. S’en suit un douloureux départ. Puis une nouvelle vie apparaît et de nouvelles rencontres. Une famille de chats errants dans un immeuble entouré d’ormes. Un autre lien se tisse et le cœur lentement se console.

En refermant les pages du livre, mon cœur s’est étreint. Une étrange émotion à la fois tendre et triste. Je me suis dirigée vers le jardin et je l’ai contemplé pendant un long moment…

Utagawa Hiroshige 歌川広重 (1797-1858), Vue 101 : Rizières d’Asakusa et festival Torinomachi, issue des Cent vues d’Edo (名所江戸百景, Meisho Edo Hyakkei), Ukiyo-e, 1857
SOURCES :
  • Bonnin, Philippe ; Pezez-Massabuau, Jacques. Façons d’habiter au Japon. Maisons, villes et seuils, Cnrs Éditions, 2017
  • Delay, Nelly. Le jeu de l’éternel et de l’éphémère, Éditions Philippe Picquier, 2004
  • Giard, Agnès. Les Histoires d’amour au Japon. Des mythes fondateurs aux fables contemporaines, Paris, Drugstore, 2012
  • Hladik, Murielle. Traces et fragments dans l’esthétique japonaise, Éditions Mardaga, 2008
  • Martzel, Gérard. Le dieu masqué : Fêtes et théâtre au Japon, Pof, 2002
  • Okamoto, Taro. L’esthétique et le sacré, Paris, Seghers, 1976
  • Salat, Serge ; Labbé, Françoise. Créateurs du Japon, le pont flottant des songes Hermann, 1986